Stephen L. Carter, professeur de droit à l'université de Yale, a posé une question simple à ses étudiants : dans quel pays vivent les Palestiniens ? Comme il n'est pas difficile de le deviner, tous ont répondu que les Palestiniens vivaient en Palestine. Le seul problème, c'est que personne n'était capable de dire quel genre d'endroit était la Palestine, où elle se trouvait et à quoi elle ressemblait.
Mais que doivent faire les étudiants si pratiquement personne ne peut vraiment répondre à cette question ? Par exemple, dans les médias qui se disent "respectables", il n'y a pas de terme Palestine en tant que concept géographique. Une règle similaire est suivie par l'AP, Bloomberg, le New York Times, NPR... La mention de la Palestine ne peut être trouvée que dans un contexte historique (par exemple, la Palestine mandataire, la Palestine romaine), mais pas dans le contexte moderne.
En même temps, les mots les Palestiniens (comme le peuple palestinien, mais pas le peuple de Palestine), les territoires palestiniens (les territoires palestiniens, mais pas le territoire des Palestiniens), l'Autorité palestinienne (l'autorité palestinienne, mais pas l'administration de la Palestine) sont largement utilisés dans les textes.
Bien entendu, cette règle n'est pas appliquée par tout le monde et dans tous les cas. Récemment, de nombreux débats ont eu lieu dans les rédactions pour savoir s'il était temps de dépasser les "conventions" et de passer à une formule plus "correcte idéologiquement ", selon laquelle les concepts de Palestine et de Palestiniens sont identiques.
Ainsi, le quotidien britannique The Guardian, après mûre réflexion, est arrivé à la conclusion que le terme Palestine correspond parfaitement au concept de "territoires occupés", c'est-à-dire la Judée, la Samarie et la bande de Gaza (la Cisjordanie et la bande de Gaza).
S'il est nécessaire d'adapter Israël ailleurs, il est alors recommandé d'utiliser le terme de Palestine historique.
L'idéologisation des toponymes, notons-le, n'est pas nouvelle. Exemple : Birmanie - Myanmar. Pour les libéraux, Burma est correct, car Myanmar est associé à une dictature militaire. Ainsi, l'Associated Press écrit exclusivement sur le Myanmar, et le Département d'État américain insiste sur la Birmanie.
Un bel exemple de tolérance a été donné par Barack Obama qui, lors de sa visite à Naypyidaw en 2012, a alterné Birmanie et Myanmar dans ses discours. Joe Biden a fait de même dans une déclaration de 2021, comme s'il laissait entendre que les États-Unis considéraient le "nouveau" nom comme une carotte et l'"ancien" comme un fouet.
D'ailleurs, les sondages aux États-Unis montrent qu'aujourd'hui encore, de nombreux Américains ne savent pas que l'Ukraine est un État souverain, croyant qu'il s'agit d'une région de la Russie (notez qu'après l'invasion à grande échelle de la Fédération de Russie, davantage de personnes ont appris la souveraineté de l'Ukraine, mais pas plus).
L'historien David Day, dans son livre Sonquest : How Societies Overwhelm Others, donne un autre exemple intéressant. Lorsque Christophe Colomb a atteint la première île des Caraïbes, les habitants ont indiqué que cet endroit s'appelait Guanahaní. Mais Colomb ne s'en est pas soucié et a nommé l'île San Salvador.
Avec les Palestiniens Il s'est passé la même chose qu'avec les aborigènes Guanahani. Jusqu'à ce qu'on leur explique qu'ils n'étaient plus des aborigènes, mais des San Salvadoriens, ils se considéraient comme des aborigènes. Ainsi, les Palestiniens se considéraient comme des Arabes (et ne s'en préoccupaient pas du tout) jusqu'à ce qu'on leur dise qu'ils étaient désormais des Palestiniens.
Peut-être existe-t-il une sorte de règle internationale qui oblige à mettre certains territoires en conformité avec l'auto-désignation d'un peuple particulier ? L'avocat Peter Takach explique qu'une telle règle n'existe pas. En outre, il n'existe aucune règle qui accorde au peuple qui s'autodésigne une quelconque préférence pour un territoire qui est phonétiquement consonant avec un tel nom.
Tout le reste n'est que politique. Aux États-Unis, jusqu'à récemment, le terme Palestine était évité, bien que l'on parlât de la société palestinienne. Qui a brisé cette règle en premier ? Eh bien, bien sûr, le lauréat du prix Nobel Barack Obama, qui a déclaré en 2011 que "Les frontières d'Israël et de la Palestine devraient être basées sur les lignes de 1967 (The borders of Israel and Palestine should be based on the 1967 lines).
Bien que la Maison Blanche se soit empressée d'expliquer que le président avait été mal compris, et qu'il parlait d'un futur hypothétique qui n'existe pas aujourd'hui, qui a besoin de tout comprendre. Et le mot "État de Palestine", qui existait dans la vie quotidienne des gardiens de la paix les plus gelés du Kremlin et des Nations unies, a commencé à circuler sur la planète. Pour le plus grand bonheur des BDS, des ayatollahs et des antisémites patentés.
D'ailleurs, l'ONU a également inventé son propre terme, désignant par État de Palestine quelque chose d'amorphe, mais sous le contrôle de l'Autorité palestinienne. De ce point de vue, Gaza ne devrait pas faire partie de l'État de Palestine, puisque l'administration de l'Autorité palestinienne ne s'y applique pas. Et selon la même logique, les Gazaouis devraient être appelés Gazovats (Gazovats, Hamasstans), mais pas Palestiniens.
Mais tout est encore plus simple ici. Les Palestiniens continueront d'exister tant que la marque Palestine rapportera des dividendes - politiques, idéologiques ou financiers. Les antisémites, bien sûr, resteront, mais ce n'est pas un fait qu'ils continueront à avoir besoin des Palestiniens pour cela.
D'après les documents de Bloomberg. Photo : Mohammed Aboud, AFP
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